Décarbonation de la production d'énergie en France

La décarbonation de la production d'énergie en France est l'ensemble des mesures et des techniques permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur de la production d'énergie en France. Il s’agit d’un des axes de la décarbonation de la France et un des défis de la neutralité carbone en 2050.

Si la production d'électricité est déjà décarbonée à plus de 92 % en 2021 (nucléaire (69 %), hydraulique (12 %) et plus modestement éolien (7 %) et solaire (2,7 %)), l'objectif est d'augmenter la part d'énergies renouvelables, notamment l'éolien avec un important développement de l'éolien en mer, mais aussi le solaire.

Descriptif du secteur

Le CITEPA, chargé par le Ministère de la Transition écologique et solidaire de la réalisation des inventaires nationaux d'émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre, décompose le secteur comme suit :

  • Production d'électricité ;
  • Chauffage urbain ;
  • Raffinage du pétrole ;
  • Transformation des combustibles minéraux solides ;
  • Extraction et distribution de combustibles solides, liquides ou gazeux ;
  • Fabrication de charbon de bois par pyrolyse ;
  • Valorisation énergétique des déchets.

Émission de gaz à effets de serre du secteur de la production d'énergie

Part de la production d'énergie dans les émissions de GES

Les émissions du secteur de la transformation d’énergie s’élèvent à 44,6 Mt éqCO2 en 2022, soit 11,0 % des émissions nationales. Elles se répartissent entre la production d’électricité (50,5 %), le raffinage du pétrole (16,2 %), le chauffage urbain (11,0 %) et les autres émissions (principalement la transformation des combustibles minéraux solides et la valorisation énergétique des déchets) (22,4 %)[1].

Les émissions du secteur de l’industrie de l’énergie en France métropolitaine ont globalement diminué sur la période 1990-2021, aussi bien pour les polluants que pour les gaz à effet de serre (notamment -46% de CO2e). La baisse observée des émissions s’explique principalement par l’évolution du mix énergétique, avec le développement marqué des centrales nucléaires puis des centrales thermiques au gaz naturel et de nouvelles sources renouvelables ces dernières années, ainsi que l’abandon progressif des combustibles minéraux solides en tant que source d’énergie[2].

La production d’énergie a connu une forte hausse des émissions de GES entre 2020 et 2021 et entre 2021 et 2022 (+2,1 Mt CO2e soit +4.9%). L’indisponibilité de tranches nucléaires a un impact important sur les émissions de ce secteur. En 2022, une vingtaine de réacteurs étaient en effet à l’arrêt (29 réacteurs à l’arrêt sur 56 en mai 2022 par exemple). Ces arrêts ont généré un recours plus important aux centrales à gaz et un recours temporaire au charbon avec la réouverture, le 28 novembre 2022, de la centrale de Saint-Avold, dans un contexte de hausse des prix du gaz à la suite de l'invasion russe de l'Ukraine. La consommation d’électricité a néanmoins été amoindrie par les appels à la sobriété énergétique[3].

Évolution des gaz à effet de serre émis par le secteur de la production d'énergie en France entre 1990 et 2022[Note 1].

Stratégie nationale

La stratégie nationale bas carbone (SNBC) est l'outil de pilotage pour animer et suivre la politique de décarbonation de l'économie française et de transformation de son modèle énergétique. Elle se décline pour chacun des 6 grands secteurs de l'économie, notamment la production d'énergie, et est actualisée tous les quatre ans.

SNBC 1 (2015)

Budget carbone SNBC 1
Période en Mt éqCO2[4]
2015-2028
55
2019-2023
55
2024-2028
55

L’objectif défini dans la SNBC 1 pour atteindre le facteur 4 de réduction à l’horizon 2050 par rapport à 1990 tous secteurs confondus est une réduction de 96 % les émissions liées à la production d’énergie par rapport à 1990, soit un « facteur 20 ». Cela se traduit par[5] :

  • une accélération des gains d’efficacité énergétique (facteur 2) : baisse de l’intensité énergétique du PIB et enjeu de la maîtrise de la demande globale en énergie (priorité à la réduction de consommation des énergies carbonées, transferts d’usage vers l’électricité).
  • une décarbonation radicale du mix énergétique à 2050 (facteur 10) : (baisse des gCO2/kWh de l’électricité et des réseaux de chaleur). Il faut souligner que l’ambition des scénarios correspondants se fonde généralement sur une hypothèse de déploiement important de la capture et du stockage de carbone (CCS) à 2050. Si ce n’est pas le cas, alors les efforts de décarbonation de la production d’énergie devront être reportés sur d’autres options, y compris sur d’autres secteurs de l’économie.

Concernant les Outre-mer, les émissions dues à la production d’électricité sont faibles en volume par rapport à la métropole, le mix énergétique reste fortement carboné (production issue à 78 % d’énergie thermique classique). L’autonomie énergétique en Outre-mer est visée d’ici 2030. Cet objectif ambitieux d’autonomie énergétique passe d’abord par la décarbonation de l’électricité, avant d’envisager des transferts d’usages[6].

SNBC 2 (2019)

Budget carbone SNBC 2
Période Décret
2020[7]
Réajusté
2022[8]
2019-2023
48
48
2024-2028
35
35
2029-2033
30
30

Les budgets carbone des périodes 2019-2023, 2024-2028 et 2029-2033 sont fixés dans le décret du respectivement à 48, 35 et 30 Mt de CO2eq par an[7]. Depuis la publication de ce décret, des changements méthodologiques ont été apportés à l’inventaire national des émissions de gaz à effet de serre, qui n'affectent toutefois pas le secteur[9],[8].

Les émissions du secteur de l’énergie sur la période 2019-2022 sont inférieures au budget carbone indicatif défini par la SNBC 2, mais le rythme de réduction des émissions du secteur de l’énergie doit s’accélérer pour être aligné avec la trajectoire SNBC 2 et celle anticipée du Fit for 55 d’ici 2030[1].

Avec 20,7 % d’énergies renouvelables dans sa consommation finale d’énergie en 2022, la France n’a pas encore atteint ses objectifs de 23 % d’énergies renouvelables en 2020, tandis que ses objectifs de baisse de consommation d’énergie pour 2020 (atteindre 131,4 Mtep d’énergie finale) n’ont été tenus que du fait de la Covid-19, avec une consommation de 143,2 Mtep en 2021[1].

Mesures

Mesures concernant la production d'électricité

Selon les chiffres tout juste publiés par RTE, le gestionnaire du réseau électrique, la production d’électricité en France a été assurée en 2021 à plus de 92 % par des sources émettant peu de gaz à effet de serre à savoir nucléaire (69 %), hydraulique (12 %) et plus modestement éolien (7 %) et solaire (2,7 %)[10].

Énergies renouvelables

Fin 2022, la France affichait environ 66 GW de capacités électriques renouvelables totales réparties entre 40 % pour l’hydraulique (barrages), 31 % pour l’éolien terrestre et 24 % pour le photovoltaïque. Et le pays ne devrait pas atteindre les objectifs qu’il s’était fixés pour le déploiement des énergies renouvelables électriques sur la période 2019-2023, selon une étude publiée fin janvier 2023. Pour l'éolien terrestre, l'objectif officiel de 24,1 GW de capacités installées établi pour fin 2023 « ne sera pas atteint », selon le baromètre annuel Observ’ER, le pays parvenant à peine à 20 GW à fin septembre 2022. Du côté du photovoltaïque, malgré un rythme de croissance accru depuis 2021 et un « relèvement partiellement confirmé en 2022 (...), le secteur n’est toujours pas dans la bonne trajectoire », ajoute l’observatoire qui se base, entre autres, sur les données d’Enedis et d’EDF[11].

Dans ce cadre, la loi sur l'accélération des énergies renouvelables, publiée au Journal officiel du 10 mars 2023, vise la simplification des procédures, la planification territoriale, et le partage de la valeur[12]. La loi entend répondre à l’objectif fixé par le président Emmanuel Macron pour 2050 de multiplier par dix la capacité de production d’énergie solaire pour dépasser les 100 gigawatts (GW) et de déployer cinquante parcs éoliens en mer pour atteindre 40 GW. Des ONG et des acteurs du secteur des renouvelables critiquent toutefois une « usine à gaz ». « Si le texte est plutôt satisfaisant sur l'éolien en mer, il reste trop tardif et limité sur le solaire, et surtout très insuffisant sur l’éolien terrestre », estime Greenpeace France, tandis que le WWF appelle les maires, « au cœur du dispositif », à se mobiliser « pour donner un véritable coup d’accélérateur »[11].

Filière nucléaire

La loi du 22 juin 2023 sur l’accélération du nucléaire facilite les procédures administratives pour accélérer la construction de nouveaux réacteurs de type EPR2, prévus sur des sites nucléaires existants. Plusieurs mesures traitent aussi de la planification énergétique, de la prolongation des vieilles centrales et des sûreté et sécurité nucléaires[13],[14].

La loi rend ainsi possible plus rapidement la mise en compatibilité des documents locaux d’urbanisme et permet de dispenser de permis de construire les installations et travaux de création des nouveaux réacteurs nucléaires, de construire des nouveaux réacteurs nucléaires en bord de mer, s’ils sont installés proches ou dans le périmètre de la centrale nucléaire existante, comme c'est le cas pour le projet de la première paire d’EPR2 à la centrale de Penly, près de Dieppe en bord de Manche, et permet aussi des mesures d’expropriation, avec prise de possession immédiate, pour les ouvrages annexes aux projets de réacteurs nucléaires reconnus d’utilité publique (installations de pompage, sous-station électrique...)[13].

Concernant les installations actuelles, le texte simplifie la procédure de réexamen périodique des réacteurs de plus de 35 ans et renforce la participation du public. Le Conseil de politique nucléaire validé en février 2023 le lancement d'études préparatoires pour prolonger l'exploitation des centrales nucléaires après 50 voire 60 ans, mais les députés exigent du gouvernement avant fin 2026 un rapport sur le sujet[13].

Centrales à charbon

Nom Opérateur Capacité Salariés fermeture
prévue
Centrales à charbon en activité en 2021
Cordemais EDF 1200 MW 355 2026
Le Havre EDF 600 MW 160 2021
Gardanne GazelEnergie 600 MW 98 reconversion
Saint-Avold GazelEnergie 600 MW 95 2024

En réponse à la guerre en Ukraine, l'Union européenne a accru son ambition de sortie des combustibles fossiles via le nouveau plan « RePowerEU »[15], présenté en 2022, visant notamment une part de production d’électricité renouvelable de 69 % en 2030. En France, dont l’électricité est déjà en grande partie décarbonisée, le Ministre de la Transition écologique et solidaire présente le 3 avril 2019, une feuille de route pour la fermeture, d’ici 2022, des dernières centrales de production d’électricité qui fonctionnement au charbon, fermeture prévue par le Plan Climat adopté le 6 juillet 2017[16]. Néanmoins, compte tenu de difficultés de production de ces centrales nucléaires et de la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine, des dérogations exceptionnelles au plafond d’émissions de GES des deux centrales thermiques en fonctionnement ont été décidées[17].

L’avenir de l’établissement de Gardanne (Bouches-du-Rhône) – qui compte la plus haute cheminée de France et devait fermer en 2022 était incertain, notamment en raison d'importants conflits sociaux liés à la reconversion des 98 emplois supprimés, dont une cinquantaine de départs volontaires[18]. L'implantation d'une unité de production de carburants renouvelables sur le site de la centrale, porté par l'entreprise Hy2gen, société pionnière de l'hydrogène vert basée en Allemagne, est acté en 2022 et devrait être en production avant 2025. Hy2gen précise ne vouloir se concentrer à l'avenir que sur la production de « carburants pour l'aviation». Le mécanisme pour obtenir ce kérosène se ferait par distillation, processus ne nécessitant par l'installation d'une torchère qui inquiétait les riverains. La capacité de production totale du site à partir d'hydrogène vert et de biomasse est également réduite de moitié par rapport au projet initial pour atteindre les 50000 litres de kérosène par jour. En avril 2022, l'exploitant GazelEnergie et les partenaires sociaux signent un accord promettant l'embauche de huit salariés et la reconversion à terme de 26 autres sur la centrale biomasse. Depuis, la centrale de Provence (Gardanne-Meyreuil), qui emploie 80 salariés, a redémarré et espère se rapprocher de son objectif de production de 150 mégawatts, « soit la consommation d'énergie de 250000 foyers»[19].

Les centrales de Cordemais (Loire-Atlantique) et de Saint-Avold (Moselle) obtiennent quant à elles une première dérogation en 2022, puis une nouvelle en 2023 pour leur prolongation jusqu'à fin 2024[20].

Mesures concernant le chauffage urbain

Mesures concernant le raffinage

Mesures de sobriété

Notes et références

Notes

  1. Les données de 2022 sont une pré-estimation et sont susceptibles d'évoluer. Les données 2022 définitives seront connues en 2024.

Références

  1. a b et c Haut conseil pour le climat - Rapport annuel 2023 , p. 12333
  2. Inventaire des émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre en France – Format Secten - Édition 2023 , p. 1346
  3. Inventaire des émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre en France – Format Secten - Édition 2023 , p. 104
  4. Strategie Nationale Bas-Carbone France 2015 , p. 96
  5. Strategie Nationale Bas-Carbone France 2015 , p. 89
  6. Strategie Nationale Bas-Carbone France 2015 , p. 92
  7. a et b « Décret n° 2020-457 du 21 avril 2020 relatif aux budgets carbone nationaux et à la stratégie nationale bas-carbone. », sur www.legifrance.gouv.fr (consulté le )
  8. a et b « Ajustement technique des budgets carbone. » [PDF], sur www.ecologie.gouv.fr (consulté le )
  9. Haut conseil pour le climat - Rapport annuel 2023 , p. 84
  10. « La production électrique française était décarbonée à 92% l’an dernier. », sur www.transitionsenergies.com, (consulté le )
  11. a et b « Le projet de loi d’accélération du nucléaire adopté en première lecture par l’Assemblée nationale. », sur www.lemonde.fr, (consulté le )
  12. « Publication de la loi relative à l'accélération des énergies renouvelables. », sur /www.ecologie.gouv.fr, (consulté le )
  13. a b et c « Loi du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes. », sur www.vie-publique.fr (consulté le )
  14. Marjorie Cessac, « Le projet de loi d’accélération du nucléaire adopté en première lecture par l’Assemblée nationale. », sur www.lemonde.fr, (consulté le )
  15. « RepowerEU : la commission présente un plan visant à réduire rapidement la dépendance à l’égard des combustibles fossiles russes. », sur www.citepa.org, (consulté le )
  16. « La fermeture des centrales à charbon aura lieu d’ici 2022. », sur www.ecologie.gouv.fr, (consulté le )
  17. « Fin du charbon : où en est le G7 de la décarbonation de l’électricité ? », sur www.citepa.org, (consulté le )
  18. Nabil Wakim, « La France engage la fermeture de ses quatre centrales à charbon », sur www.lemonde.fr, (consulté le )
  19. « Reconversion de la centrale à charbon de Gardanne : projet de carburants renouvelables revu à la baisse. », sur www.lefigaro.fr, (consulté le )
  20. « Crise énergétique : les centrales à charbon françaises pourront fonctionner cet hiver. », sur www.lesechos.fr, (consulté le )

Annexes

Articles connexes

Liens externes

  • Centre de ressources pour l'adaptation au changement climatique
  • Textes réglementaires dans le domaine de la production et de la consommation d’énergie depuis 2018

Rapports

  • Rapport de l'ONERC Le climat de la France au XXIe siècle - vol. 4, ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, .
  • Conseil économique, social et environnemental, Financer notre Stratégie Énergie-Climat : donnons-nous les moyens de nos engagements., Paris, , 138 p. (lire en ligne)
  • Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, Strategie Nationale Bas-Carbone France 2015, Paris, , 208 p. (lire en ligne)
  • Haut conseil pour le climat, Rapport annuel 2022, Paris, , 200 p. (lire en ligne)
  • Haut conseil pour le climat, Rapport annuel 2023, Paris, , 200 p. (lire en ligne)
  • CITEPA, Inventaire des émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre en France – Format Secten - Édition 2023, Paris, Ministère de la transition écologique et solidaire, , 575 p. (lire en ligne)

Feuilles de route

  • Décarbonation de l’aérien, , 101 p. (lire en ligne)
  • Décarbonation de la chaîne de valeur des véhicules lourds, , 78 p. (lire en ligne)
  • Décarbonation de la filière automobile, , 4 p. (lire en ligne)

Bibliographie

  • François-Marie Bréon & Gilles Luneau, Atlas du climat., Paris, Autrement, coll. « Atlas/monde », , 95 p. (ISBN 978-2-7467-6208-4)
v · m
Lois
Planification
Atténuation
Adaptation
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